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L'enseignement du vocabulaire, élocution et rédaction : méthodes, progressions, séances, documents...

La fracture de l'écrit (14.05.2014)

La fracture de l'écrit (14.05.2014)

crédit photo : http://www.backpacker.com/

 

    Je voudrais dire une chose à CdB.   

 

    Bien sûr que les CSP défavorisées sont moins représentées que jamais dans les grandes écoles. Personne ne conteste cela. Mais pourquoi en est-il ainsi ?


    Je vais m'abstenir de généraliser, mais parler de la seule discipline que je connaisse bien, celle que j'enseigne, le Français.


    Aujourd'hui, oui, c'est terrible à dire, nous sommes dans un système où une réelle fatalité pèse sur les élèves. C'est net en ce sens où, quasiment dès le début de la Sixième, je peux te dire avec peu de risques d'erreurs quels élèves iront en 2nde générale, et lesquels peuvent prétendre à une poursuite d'études ambitieuses après le bac (en gros, autre chose qu'une fac qui offre seulement 40% de réussite en Licence, sans parler des débouchés).

     Mais pourquoi en est-il ainsi ? Pour ma part, dans ma ZEP, je n'ai à peu près aucun "fils de", même assez peu de fils de profs (eux, pas fous, ils sont dans le privé, juste à côté). Pourtant, la fracture, je la constate aussi bien qu'ailleurs.

     Il y a les enfants qui entrent au collège en lisant correctement, et qui ont une pratique régulière de la lecture, quelle qu'elle soit, et il y a les enfants qui arrivent au collège sans parvenir à tirer le sens d'un paragraphe simple, voire en ânonnant péniblement. Ces derniers constituent à peu près la moitié d'une cohorte. Oui, on en est là.

     Il y a ceux qui possèdent un vocabulaire correct, et il y a ceux, soit issus d'une famille non-francophone (et je ne parle pas de primo-arrivants : ce sont des enfants nés en France ou qui ont fait toute leur scolarité en France), soit de milieux populaires où la langue est très limitée et souvent fautive, qui, quand on lit, me demandent le sens de "haie", "brume", "tissu" (cette année, voilà, mes 6eC ne connaissaient pas le sens du mot tissu), "étinceler", "braises", "s'écrier", etc. Des mots simples, courants. Bien sûr, je me démène pour nourrir ces élèves en vocabulaire, essayer de les faire progresser en lecture, en syntaxe, leur apprendre à écrire, en partant quasiment de zéro (ces mêmes élèves peinent à rédiger une simple phrase correcte), mais autant te dire que, avec à peine 4 heures 1/2 par semaine, c'est pas gagné. 


    Alors je te le demande, le vrai problème, c'est la nature des évaluations, ou bien des contenus qui ne permettent plus d'assurer une réelle habitude de l'écrit, un enrichissement régulier du vocabulaire ? 


    La fatalité qui pèse sur ces élèves, c'est celle d'un Primaire qui ne permet pas de devenir un lecteur suffisamment habile pour pouvoir faire les tâches demandées au collège, c'est celle d'un collège qui ne permet pas réellement de pallier ces carences - horaires de Français insuffisants, absence de demi-groupes, disparition du soutien au profit de PPRE aussi vagues qu'inefficaces, demande de différencier le travail à 25 par classes, avec des élèves pas du tout autonomes pour s'emparer de ce travail différencié. Ça fait mal au coeur, et crois bien que je fais tout mon possible pour qu'il en soit autrement, mais soyons réaliste : je sais d'ores et déjà lesquels de mes 6e n'ont à peu près aucune chance de poursuivre des études. Et je pourrais cocher des cases de LPC ou m'asseoir dessus, supprimer les notes ou les multiplier, travailler par projets ou de façon très classique, ça n'y changera rien. Tout au plus, être positif, encourager, soutenir au maximum, cela permet de limiter la casse, de conduire chacun aussi loin que possible malgré ses difficultés. Mais ce aussi loin que possible, malheureusement, il n'est pas bien loin quand un élève de 6e peine à écrire une phrase, ne comprend pas un texte simple et méconnaît une grande partie du vocabulaire courant.


    Et qu'on n'aille pas me dire "oui mais l'immigration..." L'école a réussi, par le passé, à enseigner une langue écrite bien plus solide à des générations d'enfants non moins immigrés, ou parlant patois, foi de petite-fille de Polonais, Marocaine et Bretons bretonnants. Cette fatalité-là n'est pas fatale, si je puis dire. La langue, cet outil de la pensée et du raisonnement, ça s'enseigne. Encore faut-il en avoir la volonté au-delà de l'affichage. Parce que c'est bien beau de faire de la maîtrise de la langue (pardon, des langages, j'update) le palier 1 du socle, si on ne se penche pas davantage sur le temps consacré à la lecture en Primaire, l'aide apportée aux élèves non-lecteurs en fin de CP (au lieu de se réfugier dans un discours sur les cycles), la pédagogie de la rédaction, aussi bien en Primaire qu'au collège, la question du vocabulaire et de son enseignement de façon bien plus raisonnée et systématique, c'est juste du baratin.


    Cette fatalité, et je suis là-dessus en accord complet avec le GRIP, c'est d'abord celle de contenus mal pensés.


    Ayons des contenus plus adaptés, et la question de l'évaluation pourra être envisagée plus sereinement, sans besoin de masquer une réalité effrayante.

 

Collier de Barbe : Néanmoins, je pense qu'on peut aussi varier les évaluations et offrir d'autres types d'exercices aux élèves que tous nos exercices canoniques (ce qu'auraient pu être les TPE si on acceptait de tenir compte des notes en dessous de la moyenne).


    Je suis d'accord, CdB. Le problème, c'est qu'à l'heure actuelle, on nous vend la "docimologie" comme la seule réponse intelligente aux dysfonctionnements de l'école (ah ! non : y a les rythmes, aussi). Et ça, c'est une grande supercherie. Prendre les problèmes dans ce sens, cela revient à casser le thermomètre. C'est juste malhonnête. 


    Attaquons-nous d'abord aux contenus, aux méthodes (et j'entends ici ce mot  de façon très générale, y compris les modes de mise en oeuvre, le soutien dès le CP pour ceux qui en ont besoin, sérieux, intense, pas du saupoudrage façon PPRE), et ensuite, on pourra avoir une réflexion vraiment intéressante sur l'évaluation, qui ne sera pas biaisée dès le départ par la nécessité de cacher la misère.

source : 

http://www.neoprofs.org/t63551p300-les-mises-a-jour-du-site-vive-la-vie-moderne-de-luigi-b#2525492

 

Non, c'est ça, ils ne se rendent absolument pas compte. Ils n'ont pas idée de la nullité de Français d'un grand nombre de nos élèves, y compris de bacheliers qui relient n'importe comment des phrases mal construites. Et Boissinot de s'étonner qu'on n'ait que 85 % de réussite au bac.

Alors que n'importe quel prof de lycée sait qu'on serait bien en-dessous si on tenait compte ne serait-ce que de la capacité à s'exprimer avec clarté à l'écrit. Entre ses présupposés délirants et le Hamon qui nous explique que, si la France a chuté dans PISA, c'est la faute à une semaine de 4 jours que les ados évalués n'auront jamais connue... 
Un stage d'une semaine, pas plus, dans un collège ordinaire, ça leur ouvrirait les yeux. Mais je suppose qu'ils ne descendent jamais aussi bas, pas plus qu'ils ne s'abaisseront à écouter ceux qui y sont, eux, sur le terrain, toujours soupçonnés de défendre leurs intérêts propres.

source : http://www.neoprofs.org/t75510p20-nouvel-obs-en-croyant-se-montrer-exigeants-les-enseignants-decourageaient-leurs-eleves#2518876

L'idée de progression

 

Gryphe a écrit:
Cripure a écrit: Les taux de réussite augmentent parce qu'ils augmentent, ils sont déconnectés des capacités des candidats.

En gros c'est comme l'inflation, ils augmentent par construction ?  Very Happy 

Pour l'opposition programmes/curriculum, ça me donne l'impression que les programmes partent de la base et essayent de construire un tout cohérent, progressif, rigoureux, raisonnable, raisonné. 
Tandis que les curricula ont une idée générale et globale du tout auquel il faudrait aboutir, partent donc de la photo finie de la maison, en gros, et partant de là, essayent après coup de reconstruire le plan. Ce n’est pas illogique de faire d'abord le dessin de la maison, pour en avoir une idée globale, et ensuite le plan, et d'ailleurs à tous les coups les partisans des programmes ont probablement aussi en tête la vision globale.
Étrangement, j'ai comme un attachement aux programmes qui me paraissent moins aventureux...  Very Happy


V. M. : C'est un peu ça. On est assez loin dans l'esprit de la notion de fondamentaux. Au lieu de construire en partant d'une base, aussi solide que possible, on contemple la clé de voûte et on assemble comme on peut vers le bas. C'est la négation complète de la démarche pédagogique. Le monsieur a d'ailleurs bien dit ce qu'il pensait de l'idée même de progression.
   Pourtant, c'est bien à la base qu'il y a un problème. Boissinot ne se rend pas compte qu'obtenir 85% de réussite au bac avec autant de quasi-illettrés et de misère linguistique, c'est déjà un miracle orchestré de toute pièce. Mais dans le genre déni de réalité, le niveau des élèves en lecture à la fin du Primaire, ou leur pauvreté en vocabulaire, ça se pose là, et ça mériterait tout un chapitre dans le dernier opus d'Onfray. Seulement, de ça, on ne parle pas. On se focalise sur la fin de la "chaîne" et sa "productivité" (sic), sans chercher de causes sérieuses en amont.

   La seule chose qu'on peut espérer, c'est que cette histoire de curricularité (?) sera tellement inapplicable sur le terrain (parce qu'un curriculum, c'est tout de même un parcours individuel, et que cette logique à 25, 30 ou davantage, ça doit être ingérable) qu'elle s'essoufflera d'elle-même.

source : http://www.neoprofs.org/t75510p60-nouvel-obs-en-croyant-se-montrer-exigeants-les-enseignants-decourageaient-leurs-eleves#2520955

 

Ce qui manque à nos élèves : le vocabulaire

Artysia, je ne suis pas prof d'HG, mais je fais quelques suggestions tout de même, parce que sur ce point, c'est Lettres-HG, même combat ! 
Bien sûr, les profs de Lettres ont une responsabilité particulière dans l'acquisition du lexique, et ils devraient, je trouve, y consacrer bien davantage de temps, mais quoi qu'il en soit, ils ne peuvent réussir seuls en voyant les élèves entre 4 et 5 heures par semaine. Là, l'interdisciplinarité a un vrai rôle à jouer, bien au-delà des projets plus ou moins douteux en termes de contenus.
Cette année, ma collègue d'HG et moi avons travaillé main dans la main la rédaction des réponses, la rédaction tout court (le récit en HG et en Français) et nous nous sommes efforcées de faire passer un vocabulaire commun, notamment les verbes qui servent à définir ("constituer", "être formé de"), à analyser ("évoquer"...) et par ailleurs, nous avions un projet d'écriture commun (en gros, de la bio historique au récit de vie épique) qui permettait le réemploi de tout un vocabulaire historique.
C'est assez vague car je ne connais pas la pédagogie de ta discipline, mais ce sont peut-être des pistes que tu peux explorer.

source : http://www.neoprofs.org/t75491-comment-faire-acquerir-du-vocabulaire-aux-eleves-en-histoire-geographie#2520680

Oui, je comprends bien. Je passe mon temps à essayer de faire comprendre à nos IPR de Lettres (et à certains collègues....) que ce qui man que à nos élèves, ce n'est pas la définition de narrateur hétérodiégétique, d'oxymore ou de didascalie, mais la compréhension de mots comme aube, haillons, le seuil, une haie (si, si), la brume - et je ne parle pas de l'incapacité totale de parler d'un personnage autrement qu'en termes de "gentil" ou "méchant", dans l'ignorance de mots tels que "cruel", "tyrannique", "généreux", "attentionné", "bienveillant"...

Je crois que là encore, il ne faut pas hésiter à faire apprendre du lexique, même non technique, à chaque fois que nécessaire, et ne pas hésiter à faire appel au collègue de Lettres pour que ce lexique soit réinvesti. Pourquoi ne pas utiliser une fiche de vocabulaire commune ? Je fais noter à mes élèves tout le vocabulaire étudié sur une seule et même feuille, cela me permet, comme à eux, de retrouver facilement ce qui a été appris récemment ou plus anciennement, sans avoir à feuilleter tout le cahier (ou un répertoire) au risque d'oublier des mots. Je ne verrais aucun inconvénient à ce que des collègues complètent cette feuille, bien au contraire, et je m'efforcerais alors d'intégrer le vocabulaire appris dans les autres disciplines aux travaux écrits en Français, comme je le fais avec le vocabulaire que j'étudie en cours.

source : http://www.neoprofs.org/t75491-comment-faire-acquerir-du-vocabulaire-aux-eleves-en-histoire-geographie#2520743

 

 

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S
Désuet... mais c'est un terme "old school" ! <br />  
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F
je suis arrivée tout fraîchement dans le premier degré. Assez récemment, il m'a été reproché d'enseigner des mots désuets à mes élèves. Voilà, j'ai découvert que "talus" et "une trompe" et quelques autres étaient des termes d'une autre époque et que la chèvre de M Seguin n'était plus un texte à faire découvrir à des ce1.une élève de cm1 ne connaissait pas le mot vainqueur. Ma collègue de me sortir que c'est un terme désuet, c'est gagnant que l'on dit. Ah. N'empêche que je ne suis pas sûr que les élèves en sortent gagnants-gagnants.
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