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L'enseignement du vocabulaire, élocution et rédaction : méthodes, progressions, séances, documents...

Grammaire : les grandes causes du désastre

L'an prochain, je retrouve le niveau 5e. Que ça plaise ou non, je sens que ça va être langue à outrance, parce que quand même la maîtrise de la langue me semble chez les plus jeunes une priorité absolue. Prof de lettres ou prof de langues ? That is the question... Il est évident qu'au collège nous allons être de plus en plus amenés à être davantage profs de grammaire que profs de lettres. Ça n'est pas trop l'idée que je me faisais de ma pratique, mais il y a urgence à inverser le processus de délitement des compétences linguistiques. Sinon, dans 20 ans, on ne saura plus distinguer un dyslexique d'une personne sans trouble du langage.

 

Bienvenue dans le monde merveilleux de l'enseignement de la langue.
Celui-ci est ravagé depuis plus de 20 ans, et ça va être pire avec la réforme en cours.

 

Je vois deux grandes raisons à ce désastre.

 

1°) Le discrédit jeté sur la grammaire, qui n'est plus perçue comme un enseignement nécessaire, structurant, qui fait entrer dans l'abstraction, développe l'esprit d'analyse, crée la conscience de la structure de la phrase et la condition pour en bien user. Il n'y a qu'à voir ici même (et pourtant ici moins qu'ailleurs) le nombre de professeurs qui demandent à quoi ça sert d'enseigner l'attribut du sujet ou du COD. Depuis la réforme Viala (années 90) qui a relégué la grammaire de phrase, vieillotte, au profit de la grammaire de texte, tellement plus moderne, les IUFM n'ont cessé de répéter aux générations successives de professeurs que la grammaire, ça sert à rien, c'est jargonnant, qu'il faut en faire le moins possible et en s'excusant. Il n'y a qu'à voir le sort réservé à la grammaire dans les programmes qui nous arrivent : elle est réduite aux outils indispensables pour limiter la casse en orthographe, comme s'il ne s'agissait que de cela. Pas d'autres enjeux. Le fait qu'on pense avec des mots, des mots organisés en phrases structurées, qu'il n'existe pas de pensée en dehors de cette articulation de la langue, le fait aussi que l'appel aux concepts et à l'analyse que réclame la grammaire, - la vraie (quand elle est bien enseignée) - participe pleinement à la formation de l'esprit et du raisonnement, tout cela a été complètement perdu de vue non seulement par les technocrates qui pondent les réformes, mais aussi, c'est très triste de le dire, par un grand nombre de professeurs de Lettres. Ainsi, la première explication du niveau des élèves en grammaire, c'est le fait que la grammaire, on n'en fait presque plus, bien trop peu en tout cas.

 

2°) Quand on en fait, c'est n'importe comment. Il est extrêmement éclairant de se pencher sur l'histoire de la pédagogie de la grammaire. On remarque qu'au fil des réformes, sous couvert de s'adapter aux élèves des classes populaires, qu'on (pré)jugeait incapables d'accéder aux concepts, à la pensée abstraite, on a évacué peu à peu les concepts, renoncé à les expliquer, à les faire com-prendre au sens plein du terme, préférant décrire leurs propriétés, fussent-elles extrêmement flottantes et discutables ; à l'abstraction, on a substitué le caractère concret des manipulations. (Voir Jean-Pierre Terrail, Pour une école de l'exigence intellectuelle, 2016).

Faire "manipuler" est devenu le maître-mot, en grammaire. Il faut supprimer, déplacer des groupes, au lieu d'en concevoir la fonction par la pensée abstraite. Cette manipulation pourrait être, pourquoi pas, une étape vers le développement abstrait, mais elle est en réalité devenu le point de départ et d'arrivée. Ce sont les fameux critères de distribution à quoi se réduit désormais l'enseignement de la grammaire. Or (je joindrai plus tard mon vieil argumentaire), ces critères sont impropres à permettre à des enfants l'automatisation de la reconnaissance des fonctions et la construction d'une vision organisée de leur propre langue. Ils bidouillent les phrases sans plus savoir ce qui est correct ou non dans leurs bidouillages. Les IPR qui n'ont de cesse de promouvoir cette démarche ont une écrasante responsabilité dans ce désastre. (Voir du même auteur Grammaire : contre le critère unique des suppressions/déplacements et Pourquoi en grammaire les critères de distribution sont inefficaces)

Ajoutez à cela le dogme de la séquence pédagogique qui prévaut depuis plus de vingt ans et qui a complètement déstructuré l'enseignement de la grammaire, ruinant les progressions au profit de simples programmations des points de langue, rendant les réinvestissements trop rares pour permettre de fixer les connaissances, des horaires de toute façon insuffisants pour suffire à la tâche, et vous comprendrez qu'il eût été fort étonnant que la situation soit autre que ce qu'elle est.

Nous récoltons ce que nous semons : de la m...

 

source : http://www.neoprofs.org/t101729p50-effaree-devant-le-niveau-des-6e-en-grammaire

 

 

 Voir aussi du même auteur : 

Travailler la rédaction au collège

Apprendre à rédiger pour apprendre à lire

La fracture de l'écrit (14.05.2014)

Quelles approches possibles pour étudier du vocabulaire en classe ?

Les projets interdisciplinaires pour apprendre à rédiger ?

Le prédicat pour bien écrire ?

Terre des Lettres résiste... 

Pour un enseignement progressif et rigoureux de la grammaire

Grammaire : contre le critère unique des suppressions/déplacements

Pourquoi en grammaire les critères de distribution sont inefficaces

 

 

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