• Enrichir et organiser le vocabulaire (instituteurs en 1915)

    R. W. Brown, Comment le petit Français apprend à écrire. Une étude sur l’enseignement de la langue maternelle en 1915

    Premièrement, on considère, parmi les exercices conçus pour enrichir le vocabulaire, comme absolument essentiel que l’élève relie clairementle mot à l’objet ou à l’idée qu’il représente. Bien qu’il soit beaucoup plus difficile que nous le croyons généralement d’avoir un mot dans l’esprit qui ne soit pas rattaché à quelque idée, l’enseignant français semble ne vouloir prendre aucun risque. Il fait sentir à l’élève que les mots sont inutiles s’ils ne sont les symboles de quelque chose réelle physiquement ou mentalement.

    Deuxièmement, on exige de l’élève qu’il rattache un mot nouveau aux autres mots de son vocabulaire actif, de sorte que ce mot se grave dans son esprit. Le nouveau mot peut être lié à un synonyme connu de l’élève ou à un groupe d’idées qui lui aura été présenté ; mais, de quelque manière que ce soit, il est conduit à l’associer avec les mots qu’il connaît déjà.

    Troisièmement, le mot est placé dans des contextes normaux - quelquefois avant que ses significations soient expliquées - afin de faire sentir à l’élève son usage idiomatique.

    Enfin, lorsque l’explication ou la définition d’un mot ou d’un groupe de mots est nécessaire, le maître commence par en présenter le sens particulier plutôt que général, concret plutôt qu’abstrait. En théorie au moins, un maître commencerait donc par imprimer la signification de l’adjectif sincère dans l’esprit de l’enfant avant d’en examiner la qualité abstraite, la sincérité. Il commencerait par montrer au garçon que de nombreuses choses sont dites riches ou nobles avant de lui expliquer ce que sont la richesse et la noblesse.

    De plus, lorsqu’un même mot a plusieurs définitions, c’est toujours la plus simple, la plus facile à comprendre, celle qui peut s’associer le plus aisément avec la provision d’idées et d’images concrètes que l’élève possède déjà qui est exposée en premier, avant celles qui sont essentiellement abstraites ou figurées. On considère comme allant de soi que, pour qu’un mot ait quelque valeur pour un garçon, il faut qu’il représente une idée clairement imprimée dans son esprit et qu’il ait sa saveur particulière.

    Ces exercices conçus pour enrichir le vocabulaire sont extrêmement intéressants. Les mots choisis pour un jour donné sont suffisamment proches de la vie de l’élève pour qu’ils soient stimulants ; la leçon demande de la part de l’élève beaucoup d’activité ; et l’heure de classe ne dure jamais si longtemps qu’elle devienne ennuyeuse.

     

     

    Dans ces classes, l’enseignant est assurément aidé par les Leçons de Choses qui constituent une partie des programmes d’enseignement aussi bien dans les écoles primaires que dans celles du secondaire. Elles sont l’occasion de discuter en classe d’un grand nombre de questions intéressantes qui ne ressortent directement d’aucune matière du plan d’études. Elles pourraient aussi bien être nommées leçons de connaissances générales.

    Grâce à elles, un garçon de huit ou neuf ans acquiert des connaissances sur le paysan et le blé qu’il cultive ; sur le mineur, le minerai et le charbon qu’il extrait ; sur les différentes sortes de tissus utilisés pour fabriquer les vêtements ; sur le meunier, son moulin et la farine qu’il moût ; sur le viticulteur, ses raisins et la production du vin ; sur les différents genres de combustibles ; sur les différents types de métaux ; sur la faune alentours ; sur la flore que l’on trouve autour de l’école ; sur les différents aliments que l’on peut voir sur le marché ; ainsi que sur des dizaines d’autres objets et d’industries qui sont faciles à comprendre.

    Toutes ces leçons de choses ont évidemment pour objet principal de développer l’esprit d’observation et d’ouvrir la voie aux sciences naturelles ; mais elles doivent en même temps contribuer à enrichir de manière systématique le vocabulaire courant de l’élève.

    R. W. Brown, Comment le petit Français apprend à écrire. Une étude sur l’enseignement de la langue maternelle, Traduit de l’américain par Sébastien-Akira Alix, Paris : Éditions Hattemer, 2015.

     

    Extrait cité à la page http://skhole.fr/brown-r-w-extraits-comment-le-petit-francais-apprend-a-ecrire

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